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20 juin 2008 5 20 /06 /juin /2008 09:30

(Précédent [1])

Le trésorier et la construction familiale (2)
Ascension sociale et réseau de clientèle

 

-           De la paroisse au Duché : un réseau en construction

     Des relations locales puis régionales

     Des relations à la cour ducale

-          Des fondations matrimoniales pour l'avenir : l'entrée dans la « Cour des Grands » (les Rohan, la cour royale)

     1488 : le mariage Marbré, un riche héritage

     1514 : le double mariage Lespinay - St-Marsault et Lespinay - du Chaffault

     1517 : l'arbitrage de la succession du Chaffault-Ploesquellec par le trésorier

-           La protection des Rohan : la construction de l'alliance Lespinay-Perreau par les Rohan

     1500-1526 : les trois mariages d’Anne de St-Marsault (une captation d'héritage programmée)

     1542 : le mariage Perreau - Rymerswael (des liens renforcés avec la Cour royale)

     1563 : le mariage Lespinay - Perreau (l'aboutissement)

 

Des fondations matrimoniales pour l’avenir : l’entrée dans la « Cour des Grands »

            Jean IV de Lespinay va s’occuper de l’avenir de ses enfants et petits-enfants, en procurant des offices à ses fils et à son petit-fils, alors très jeunes, ainsi qu’à ses gendres. Mais surtout, il va marier son fils aîné puis l’aîné de ses petit-fils à des « héritières » (filles aînées).
              Vers 1490 il fait entrer l’aîné, Jean V, dans une famille féodale, peu connue puisque disparue aujourd’hui, les Marbré dont l’un des cadets est seigneur de Malarit en Plessé et a semble-t-il des obligations à l’égard de Jean IV au sein de la paroisse de Plessé. À la mort d’Hélène de Marbré vers 1513, il organise le remariage de son fils Jean V avec Anne de Saint-Marsault, veuve d’un grand seigneur Breton, Jean du Chaffault, elle-même d’une famille alors puissante du Périgord (connue ensuite sous le nom de Green de St-Marsault), et parallèlement il marie son petit-fils Guillaume à la fille aînée d’Anne de St-Marsault, se faisant attribuer en usufruit une partie de l’héritage du Chaffault en échange des frais à venir d’éducation et de mariage des 5 sœurs mineures de sa petite-bru.

            Les Marbré : un riche héritage (ca.1488)                                       

            La généalogie des Marbré, au vu des archives Lespinay et des documents disponibles, montre une famille alliée pour les aînés à d’importantes familles féodales bretonnes, les Pont-Château et les Montauban ; et pour les cadets à des familles influentes du Comté nantais, les Lourme, Le Maistre (ancienne extraction chevaleresque) et Juzet. La Branche aînée des Marbré est seigneur du Fresne et du Bas-Vezin, au diocèse de Rennes ; la branche cadette est seigneur de Malarit, du Breil, de la Bignonais en Plessé, de Juzet et de Trénon (B.N., Mss.Fr., Dossiers Bleus vol.424 [Fr.29.969], Mans-Marcel, dos.11.339 Marbré). Jean V est dit seigneur de Malarit le 17 avril 1489 dans un acte de la paroisse de Plessé ; il est donc déjà marié à Hélène de Marbré à cette date. De ce mariage, il a au moins quatre enfants : Guillaume, l'aîné ; Robert, qui fut seigneur de Malarit ; Jeanne, qui entra en religion ; Marguerite. D'autres enfants durent naître avant Guillaume, qui ne survécurent pas, car Guillaume est né entre 1500 et 1502 (il aurait eu 12 ans environ lors de son mariage en 1514 avec Marie du Chaffault). Hélène de Marbré mourut vers 1513. Cette dernière s’est vue attribuer dans plusieurs actes le prénom de sa mère, Jeanne.
            En 1458, Guillaume de Marbré était capitaine du château de la Bretesche à Missillac pour le duc François II. Le 23 février 1482, les paroissiens de Plessé, dont Jean IV de Lespinay (qui signe), avaient autorisé Guillaume de Marbré, seigneur de Malarit, à créer une nouvelle métairie et une maison sur le territoire de la paroisse (Arch.L.-Atl. G.541). De 1500 à 1513, une procédure est menée par des alliés des Marbré (Jean Godart, seigneur de Juzet, Perrine de Juzet veuve de Jean de Marbré, et Olivier de Vaunoyse son second mari) contre Jean V de Lespinay et sa femme (B.N., Mss.Fr., Carrés de d’Hozier, vol.382 [Fr.30.611], f°323 à 327, & 330). Elle échoue, mais elle permet de prouver qu’Hélène est fille de Guillaume et Jeanne Le Maistre, et petite-fille de Pierre de Marbré, frère aîné de Guillaume, seigneur de La Higonnaye, mort sans postérité et dont la succession n’était pas encore close. Par son mariage avec Hélène de Marbré, Jean V de Lespinay faisait entrer sa famille en relation durable avec les Le Maistre, qui seront très actifs dans les milieux protestants bretons au XVIe siècle, mais aussi avec les Giffart. En outre, Hélène est l’unique héritière féodale de la branche cadette des Marbré (seigneuries et « maisons » de Malarit, du Breil, de la Bignonais ou Higonnaye en Plessé), de même que sa mère Jeanne Le Maistre, dame de Bois-Vert, était l’unique héritière de sa branche.

Parenté Marbré (reconstitution)

Jean de Marbré (1380)
                 |
Guillaume de Marbré
                ├──  ───  ───  ───  ───  ─┬────────────────┐
Arthur de Marbré =ca.1445      Pierre de Marbré =      Guillaume de Marbré
  Georgette du Pont                Hilaire de Lourme       Sgr de La Higonnaye
                                                    ├───────────
───────┐
Robert de Marbré = 1478       Guillaume de Marbré =      Jean de Marbré =
  Aliette de Montauban             Jeanne Le Maistre       Perrine de Juzet (= Olivier de Vaunoyse)
                                                                                  
   Pierre de Marbré =            Hélène de Marbré = 1488   Olivier de Marbré
   Françoise Giffart                  Jean V de Lespinay
                                                 (+1517)

 

            Le double mariage Lespinay - St-Marsault et Lespinay - du Chaffault (1514)

 

A la cour d’Anne de Bretagne, à la fois ducale et royale, se mêlent des officiers et courtisans du duché, du royaume et des royaumes voisins. C’est certainement là que Jean IV de Lespinay fait la connaissance de Jean du Chaffault et de son épouse Anne de Saint-Marsault [1], peut-être déjà dame d’honneur de la duchesse d’Angoulême. Ses origines poitevines et périgourdines, régions voisines d’Angoulême où elle se marie à deux reprises, et les charges importantes de deux de ses frères, chacun successivement sénéchal de Périgord, ont pu faciliter son entrée dans l’entourage royal où elle fit la connaissance de Jean du Chaffault, chef d’une vieille famille bretonne, ramage de Rezay, se disant descendante des rois de Bretagne par les Comtes de Nantes.
            Au décès de Jean du Chaffault en 1512, elle cherche un protecteur à la fois pour ses enfants et pour elle, la succession de son mari pouvant être convoitée par les cousins de celui-ci, de grande noblesse bretonne, puisqu’elle n’a pas de fils mais six filles en bas âge. Elle reçoit cependant un douaire conséquent, comprenant les seigneuries et manoirs de La Limousinière (négocié lors de son premier mariage) et de La Marzelle en Poitou (confirmé dans le contrat de son deuxième mariage). Elle parcourt la Gascogne, le Périgord et le Poitou, à la recherche d’un mari pour sa fille aînée et finit par revenir en Bretagne où le décès de la première épouse de Jean V de Lespinay lui permet d’envisager son avenir et celui de ses filles. Cependant, elle a mécontenté Jean de Laval, sire des Huguetières, suzerain des du Chaffault, en voulant marier ses filles sans son consentement. Celui-ci la menace en 1515 d’une amende féodale de 10.000 livres si elle marie une de ses filles hors du pays nantais, ajoutant que pour épouser Jean V de Lespinay, elle a dû promettre sa fille aînée Marie du Chaffault à Guillaume, fils aîné de Jean, alors âgé d’environ 12 ans (juin 1515, Arch.L.-Atl., fonds La Bénaste), sinon ce mariage ne se serait pas fait. Mais, à cette occasion, elle se fit donner par le trésorier Jean IV de Lespinay en usufruit les seigneuries de Trellières et Pontcorhan en Plessé. La négociation avait donc été profitable pour les deux parties, bien que coûteuses pour les Lespinay.
            Les deux mariages vont être officialisés par un seul contrat, très explicite bien qu’il en manque le début. Par ce contrat, daté du 15 février 1514, les trois générations de Lespinay (Jean IV, Jean V et Guillaume) s’engagent à régler toutes les dépenses utiles à l’éducation des cinq sœurs de Marie du Chaffault, à la constitution de leur trousseau et à payer le montant de leur dot fixée par avance à 5000 livres pour chaque fille, plus 200 écus à partager le cas échéant. En échange, Guillaume étant mineur, le trésorier reçoit en usufruit les seigneuries du Chaffault (en Bouguenais), d’Auvers et de Lanvault (en Fougeray). Quant à Anne de St-Marsault, son douaire est confirmé sur La Marzelle, sans qu’il soit nécessaire de rappeler l’existence de son premier douaire sur La Limousinière ni l’usufruit donné sur Trellières et Pontcorhan. Toutes ces terres seront saisies en 1525, après la mort du trésorier, avec l’ensemble des biens Lespinay.
            Le contrat précise que Guillaume de Lespinay ainsi que ses héritiers sont tenus de « prendre les nom et armes de la maison du Chaffault ». Ce que les aînés feront pendant près de 150 ans. Comme le dit Jean de Laval dans sa requête de 1515 contre Anne de St-Marsault, les enfants du Chaffault « sont parents de grands et riches personnages », en particulier les Pont-L’Abbé, Penhoët, Ploesquellec, Rohan. Les Rohan, sires de Blain, sont devenus depuis peu seigneurs de Fresnay (à Plessé) et suzerains directs des Lespinay, puis de Louis du Perreau qui leur succède à Plessé. Les du Perreau comme les Lespinay vont bénéficier de leur appui, la parenté y jouant le rôle principal en ce qui concerne les Lespinay. Une procédure successorale de 1517 entre Charles de Rohan de Gié et l’ensemble de la parenté des du Chaffault, prise en main par Jean IV de Lespinay et ses conseillers, va montrer la cohésion familiale de ces grands féodaux, englobant les Lespinay et les filles du Chaffault, qui vont en être les bénéficiaires (voir plus loin).


Un double contrat de mariage (1514) – Arch.L.-Atl. E.826
Contrat de mariage Lespinay - du Chaffault
et convention de mariage Lespinay - Saint Marsault

noté "1515"

Et payement par lesd. S. de Lespinay et Mallary soient ou par lung deux lesqueulx et chacun o lad. felaon. obligez in solid. comme dict est ont promis et se sont obligez le faire en comtemplation dud. mariage et qui aultrement neust este pour tourner au profit diceulx mariez et sera touteffois lesd. racquictz censez leritaige dud. Guillaume de Lespinay pour en jouyr des lors que lesd. payemens seront faictz sauf et reserve des terres et seigneuries du Chaffault de Lanuault et Auuers en Foulgeres desquelles terres et seigneuries led. Jehan de Lespinay Sr. de Lespinay jouyra par usufruict sa vie durant seullement sauf ou cas que le deceix delad. Marie [du Chaffault] aduiendroit auparauant celuy dud. seigneur de Lespinay en celuy cas lad. piecze du Chaffault retournera aux hoirs de la d. Marie et après le deceix dud. sieur de Lespinay le Sr. de Mallary jouyra seullement des terres seigneuries de Lanuault et Auuers par usufruict comme dict est et retournera lad. terre et Seigneurie du Chaffault après le deceix dud. sieur de Lespinay alad. Marie du Chaffault pour en jouyr iceux mariez comme des aultres heritaiges dicelle Marie du Chaffault dict accorde et convenu oultre entre lesd. parties esd. noms ou cas que led. Guillaume de Lespinay et damoiselle Marie du Chaffault ou lung deux debcederoint sans hoirs procreez de leur chair en leur mariage lesd. seigneurs de Lespinay et Mallary seront proprietaires censez seigneurs desd. terres rantes et choses par eux racquitees et en jouyront sauff le droict de douayre lesd. choses alad. damoiselle Marie du Chaffault ainsi que faict ou se pourront ceulx et chacuns de qui lesd. racquictz franchissement et payemens auront este faicts jusque a ce que lesd. deniers que auront estez payez et baillez pour lesd. paymens franchissemens leurs aint este randuz et restituez alad. Marie et ou ses hoirs lequel racquict sesd. hoirs pourront faire dedans le temps de six ans ensuyvant le deceix de lung desd. mariez seullement et non apres le temps de six ans durant lequel  temps desd. six ans lesd. seigneurs de Lespinay et Mallary ne led. Guillaume de Lespinay ne pourront aliener lesd. choses raquictees ne parties dicelles ne aucunes charges mettre dessus oultre ont lesd. seigneur de Lespinay et Mallary et chacun deux obligez lung pour laultre et chacun deux pour le tout renoncent au benefice de diuision comme dict est et aux parelles obligations que deuant ont promis payer et bailler a chacune des seurs juvegneures delad. Marie qui sont en nombre cinq lors que lon leur trouvera party de mariage pour tout leur dt par et portion et aduenant quil leur peult et pourroit competer et appartenir es successions de leur feu pere et aussi en la succession future delad. damoiselle leur mere Generallement et entierement et nous notaires soubzscriptz stipullant et acceptant pour lesd. filles et chacunes la somme de cinq mille liures monnoie Et oultre lad. somme ilz et chacun obligez comme dict et ont promis bailler la somme de deux cens escuz pour estre distribuez par la main delad. damoiselle leur mere alune desd. filles ou plusieurs ainsi quil luy plaira plus est dict et conuenu entre lesd. parties Au cas que lune ou aucune desd. filles decedroit auparauant estre mariee ou entroit en religion en celuy cas led. deu. quelle eust eu ou peu auoir pour son droit viendra en accroissement aux aultres filles juvegneures en leurs mariages et seront lesd. filles alimentees et entretenues en la maison selon leur estat jucques il leur soit trouvé party de mariage sans que ce leur couste aucune chose et quil leur soit rien defalque sur leurd. droict Et icelles filles ou lune delles ne seront par lesd. de Lespinay [et Mallary] ne lung deux contractees par mariage sans le consentement des parens et amys desd. filles Aussi par ce present traicté et en faueur dud. mariage a este conuenu et accorde que les enfans qui seront procreez desd. Guillaume de Lespinay et lad. Marie du Chaffault seront tenuz prendre le nom et armes de la maison du Chaffault et que de tous les sieurs dud. lieu ont accoustumez porter Plus ont lesd. seigneurs de Lespinay et Mallary et led. Guillaume de Lespinay voulu et consenty alad. damoiselle Agnes de Sainct Marsault acceptant quelle ait et jouisse pour son droict de douayre quil luy pourroit competer apartenir Au desir de la coustume de Bretaigne dela terre de la Marselle estant en Poictou ou toutes et chacunes ses appartenances et deppendences quictes de charges pour en jouyr par usufruict seullement en ce quelle puisse prendre ailleurs sur les heritaiges et la succession qui estoint au temps du dit deceix des pere et mere dud. du Chaffault a son choays et election jucques a la valleur et estimation delad. piece de la Marselle ses apparten.--- Aussi ont lesd. seigneurs de Lespinay et Mallary et led. Guillaume consenty et voulu alad. damoiselle Agnes de St Marsault acceptant comme dict est en traictant le mariage delle et dud. seigneur de Mallary Au cas que le deceix dud. seigneur de Mallary aduiendroict parauant celluy dud. Sr. de Lespinay son pere Que en celluy cas elle ait et jouysse par douayre sur le bien dud. Seigneur de Lespinay oultre ce que luy seroit acquis par coustume faisant le mariage dud. Sr. de Mallary et delle du consentement dud. seigneur de Lespinay le nombre de cent liures de rante en assiette par donner comme dict est en bons lieux qui se puissent perpetuez ou mille escuz deu une foys payez a choays desd. de Lespinay sans en estre aucunement tenue en faire restitution et tout ce que dessus ent  lesd. parties et chascune voulu et consenty promis et jure par serment tenir sans jamais ne venir alencontre delations ... garantaige ... Et en toutes meres formes de contract Et or toutes lesions reuuucations sauff nise et hostacge et ... comdamxre et ... Ce fut faict gre et consenty en la maison de Monceaulx le 15e jour de feuvrier 1514 / Et dempuis scauoir le XXVIIe jour de mars aud. an 1514 apres auoir este lad. concination desd. dix mille troys cens liures faict par led. Jehan de Lespinay seigneur de Mallary es mains dud. Guillaume Loysel seigneur de la Thuraudaye en presence de Sanson de Sainct Marsault escuyer et de nous notaires soubzscriptz selon et au desir en ensuyuant les poinctz au contract et promesse cy dessus se sont les choses et promesses accomplies.

Nota :     o, ou = avec
              Seigneur de Lespinay = Jean IV (trésorier)
              Seigneur de Mallary  = Jean V, son fils.
              Guillaume de Lespinay = fils de Jean V.

 

Guillaume et Marie, qui ont à peu près le même âge, ont de leur mariage au moins cinq enfants : deux garçons et trois filles, dont les cadets se marient en Anjou et l’aîné en Bretagne. Guillaume décède en 1545, à 44 ans environ, fatigué par les poursuites qu’il a dû supporter toute sa vie comme petit-fils de Jean IV de Lespinay le trésorier, bien qu’ayant finalement refusé sa succession. Il fut même emprisonné pendant cinq ans (1531 à 1536), après s’être caché pendant près de deux ans, grâce à la protection des Rohan de Blain, pour être obligé de rendre rapidement les comptes de son grand père, sans avoir accès aux documents nécessaires. Et pourtant certains historiens actuels l’ont pris comme l’exemple-type de l’héritier malhonnête (sous bénéfice d’inventaire) qui, selon eux, faisait traîner son travail volontairement afin de gagner de l’argent, car cela était paraît-il une pratique courante (c’était l’accusation officielle du pouvoir à l’époque) ! Certains biens de son épouse, saisis abusivement en 1525 et donnés en 1529 avec les biens Lespinay à Louis du Perreau, seigneur de Castillon et gentilhomme de la Chambre du roi, ne seront rendus à ses descendants qu’en 1563. D’autres seront récupérés par Guillaume, comme Auvers et Lanvault, ce qui le fera accuser par les mêmes historiens de détournement de biens saisis, alors qu’ils n’ont jamais fait partie de la succession du trésorier. Quantà Marie, elle décède en 1555 après avoir réglé sa succession, laissant à son fils aîné Pierre de Lespinay le soin de recouvrer les biens abusivement saisis et donnés par le roi à Louis du Perreau puis conservés après la mort de celui-ci (en 1548) par sa deuxième femme Jacqueline de Rymerswael.

L’arbitrage de la succession du Chaffault-Ploesquellec par le trésorier (1517)

               L'importance sociale du mariage de Guillaume et Marie du Chaffault est illustrée par une procédure successorale devant la Chancellerie et Conseil de Bretagne à Nantes qui réunit Pierre de Foix (époux de Louise dame du Pont et de Rostrenen, cousine issue de germain de Marie du Chaffault), Marie du Chaffault, Agnès de Saint-Marsault, Jean IV, Jean V et Guillaume de Lespinay, contre Charles de Rohan de Gié comte de Guise, cousin issu de germain du père de Marie du Chaffault. Cette procédure est datée de mai 1517 mais date en fait d’avant la mort de Jean V (le 20 avril 1517). Voici le texte d’un des actes conservés :

Jugement rendu en la Chancellerie et Conseil du Pays et Duché de Bretagne à Nantes le * [le quantième du mois est en blanc dans l’acte] May 1517 par lequel sur la comparution de Maître Jean Jocet, Procureur fondé en cause pour le cher et bien amé cousin de sa Majesté Pierre de Foix seigneur du Pont et de Rostrenen, en son nom et curateur de Dame Louise du Pont sa femme, et aussi ledit Jocet Procureur fondé en cause de Jean de Lespinay, seigneur dudit lieu de Lespinay, Conseiller du Roy, Trésorier et Receveur Général dudit Pays et Duché de Bretagne, au nom et comme garde naturel de Guillaume de Lespinay, fils de Jean de Lespinay seigneur de Malarit son fils, et curateur de Damoiselle Marie du Chaffault femme dudit Guillaume, pareillement ledit Jocet Procureur fondé en cause desdits Jean de Lespinay et Damoiselle Agnès de St-Marsault sa femme, seigneur et dame de Malarit, expédié par Me Pierre Audren, Avocat d'’une part, Et sur la comparution de Maître Jean Le Faye, Procureur pareillement fondé en cause pour le cher et bien amé cousin de sadite Majesté Charles de Rohan, chevalier, Comte de Guyse, seigneur de Gyé et de Penhouet, expédié par Maitre Pierre Bertran, sous la correction de Maitres Jaques Giron et Jean du Ponceau, Avocats d’autre; Quelles parties avoient été confessantes respectivement que ne procedant ci-devant entr’elles en l’Auditoire desdits Chancellerie et Conseil, elles etoient appointées à Jugement, Assavoir si, ou non, ledit Conseil selon qu’il etoit contenu par ledit Procès signé du Secrétaire dudit Conseil sous ecrit et que pour en ce proceder terme et ajournement dpendoit à huy entr’elles audit Conseil ce connu, en y procedant avoit été dit de la part dudit Jocet esdits noms en subjoignant et augmentant sous ledit Jugement, que les biens et heritages dont il certoit etoient situées esdits Pays et Duché de Bretagne, demandant ledit Jocet audit nom respons de ses faits et avoit persisté avec ce audit Jugement iceux connus ; Et de la part dudit Le Faye audit nom [avait été dit entre autres choses et au surplus] en répondant esdits faits après avoir tout protesté d’impertinence et inadmissibilité et d ses exceptions, peremptoires, salvations et deffenses dire et alleguer en tel endroit et à la fois que bon luy sembleroit et verroit l’avoir à faire, avoit bien confessé etre fils et héritier principal et noble de feu messire Pierre de Rohan seigneur dudit lieu de Gyé, Maréchal de France et de Dame Françoise de Penhouet ses pere et mere, et au parsus des autres faits avoir dit rien ne savoir sauf des notoriétés et confessions dont il avoit été dediseur en forme proposée, Ledit Conseil sur la demande faite par ledit Jocet audit nom a la preuve et information jugées à suffire chacune en sa maniere, et pour proceder à la presentation, Jurée et Enqueste de ses temoins luy commet les Maitres de Requetes et Conseillers et au parsus Envoye et Commet ladite matiere en la Cour et Barre de Nantes pardevant les Senechal, Alloüé et Lieutenant dudit Nantes et chacun pour en connoitre de six semaines en six semaines et pour etre au parsus en la matiere procédé selon raison ledit Conseil assigne lesdites parties y ajournées à d’huy en six semaines. Ce Jugement signé, à la Relation du Conseil, Mau: Kerugeon

(B.N., Ms.Fr., Carrés de d’Hozier vol.382 [Fr.30611] f°.335-336).

La procédure citée concerne la succession Ploesquellec, après le décès sans héritiers de Marguerite du Pont fille de Jeanne de Ploesquellec. Pour faciliter la compréhension des parentés et des enjeux, nous avons reconstitué le schéma de parenté des personnes vivantes et décédées concernées par cette procédure.


Beaucoup de ces familles se disent descendre des rois de Bretagne, la plupart en ligne directe masculine :

ROSTRENEN         =   ramage de CORNOUAILLE (Poher)
QUELENNEC         =   ramage de PENTHIEVRE (Comtes de RENNES)
ROHAN                  =   ramage de PENTHIEVRE (Comtes de RENNES)
FOIX                      =   ramage de CARCASSONNE et COMMINGES
BROSSE               =   ramage de LIMOGES (et PENTHIEVRE par les Blois)
PENHOËT             =   ramage de LÉON
PLOESQUELLEC  =   ramage de CORNOUAILLE (Poher)
CHAFFAULT          =   ramage de REZAY et des Comtes de NANTES (CORNOUAILLE)
 

          Anne de Rohan, qui épouse en 1516 Pierre de Rohan-Gié, seigneur de Frontenay, est la cousine germaine d’Anne de Bretagne. En effet, elle est la fille de Jean II de Rohan (1452-1516), comte de Porhoët, prince de Léon, etc., seigneur entre autres de Blain et de Josselin, et de Marie de Bretagne, sœur de François II duc de Bretagne et père d’Anne de Bretagne. Par le mariage de son petit-fils Guillaume avec Marie du Chaffault, le trésorier Jean de Lespinay s’est rapproché un peu plus encore du pouvoir ducal et royal. Les appuis dont Guillaume et son fils Pierre de Lespinay ont bénéficié s’expliquent mieux par cette parenté avec les grands de la cour ducale, « cousins » du roi de France, que par leurs liens de suzeraineté avec les Rohan dont l’intérêt n’était pas de protéger des « arrières-vassaux » auteurs de « malversations ».
              Jeanne de Ploesquellec ou Plusquellec est la fille du premier mariage d’Anne de Penhoët avec Maurice de Ploesquellec, et donc la demi-sœur (aînée) de Catherine du Pont(-L’Abbé) mère de Jean II du Chaffault, née du deuxième mariage d’Anne de Penhoët avec Jean du Pont(-L’Abbé). Unique héritière de la maison de Ploesquellec, elle épouse le demi-frère de sa demi-sœur, Charles du Pont-(L’Abbé). Leur fille unique, Marguerite du Pont, décède en 1499 sans enfants de ses deux mariages (1° Henri de Rohan ; 2° François Tournemine), laissant pour seuls héritiers, cités en 1504 : son père et, du côté de sa mère par les Penhoët, Jean du Chaffault, cousin germain, et Charles de Rohan-Gié, cousin issu de germain. Après le décès de Charles du Pont-(L’Abbé) sans hoirs en ligne directe, Marie du Chaffault et ses sœurs, filles de Jean du Chaffault, font donc partie des héritiers les plus proches de Marguerite du Pont à la fois par sa mère et par son père.
              Pierre de Foix intervient, au même titre que Marie du Chaffault, comme héritier par sa femme de Charles du Pont, mari de Jeanne de Ploesquellec. Il se joint dans la procédure aux héritiers du Chaffault puisque leur rang successoral est le même par les du Pont. Il augmente en outre ses chances parce que les du Chaffault sont aussi héritiers de la mère de Jeanne de Ploesquellec, la défunte. L’appui du trésorier général de Bretagne, Jean de Lespinay, est utile ici face aux prétentions de Charles de Rohan-Gié qui s’estime par son rang dans le duché comme le mieux placé pour hériter de Marguerite du Pont.
              L’héritage de Marguerite du Pont est partagé entre les deux lignes à la première génération : Plusquellec et Pont-L’Abbé, et deux lignes à la deuxième génération : Plusquellec et Penhoët. Les héritiers du Chaffault viennent à la succession dans la ligne Pont-L’Abbé et dans la ligne Penhoët. Les autres héritiers viennent dans une seule ligne : Pont-L’Abbé (Pierre de Foix, qui représente les autres héritiers du Pont), Plusquellec (Catherine du Chastelier, petite-fille de Plessou de Plusquellec qui épousa Amaury II du Chastelier, seule héritière des Plusquellec), Penhoët (Charles de Rohan, qui représente les autres héritiers Penhoët).
              C’est de l’héritage Ploesquellec que vient la terre d’Auvers en Fougeray possédée par les du Chaffault puis les Lespinay (cf. entre autres : Kerdaniel, B.N., Fr.32438, fo.418-419) et saisie à la mort du trésorier Jean IV de Lespinay en 1524, celui-ci étant usufruitier de cette terre par le contrat de mariage Lespinay-du Chaffault, puis restituée après plusieurs années de procédure. Une dernière transaction familiale a lieu en 1533 entre Guillaume de Lespinay et Marie du Chaffault d’une part, et François Loaysel et Françoise du Chaffault d’autre part. Elle laisse Guillaume et sa femme régler pour leur compte la succession du Chaffault et les partages inachevés avec les « seigneurs de Gyé, de Penhouët, de Brout et de Plusqualet ». En voici la transcription.

Transaction finale pour le partage de la succession Ploesquellec, 30 janvier 1533  

Transaction faite le 30 Janvier 1533. Entre Guillaume de Lespinay Ecuyer, tant en son nom que se fesant fort de Damoiselle Marie du Chaffault sa femme seigneur et dame du Chaffault et de Monceaux ; ladite Marie fille ainée et heritiere principale et noble de feu Jean du Chaffault Ecuyer seigneur desdits lieux du Chaffault et de Monceaux, d’une part, Et François Loaysel aussi Ecuyer et Damoiselle Françoise du Chaffault sa femme seigneur et dame du Plesseix Bouschet, ladite Françoise sœur puinée de ladite Marie, et ledit François Loaysel procedant sous l’autorité de Guillaume Loaysel son pere Ecuyer seigneur de la Touraudaye, d’autre.

Par laquelle les parties terminent le procès qu’elles avoient pendant en la Cour de Nantes touchant la demande que lesdits Loaysel et sadite femme fesoient ausdits de Lespinay et sa femme des droit et portion qui apartenoient ausdits Loaysel et sa femme à cause d’elle tant en noble qu’en partable, et tant en meuble que heritage à cause de la succession dudit feu Jean du Chaffault seigneur dudit lieu du Chaffault, de Monceaux, de la Marzelle en Poitou, d’Auvers [corrigé en Anvers] et de Lanvaulx pere desdites Marie et Françoise, moyennant que ledit Guillaume de Lespinay et Marie du Chaffault sadite femme pour demeurer quittes de tous les droits part et portion qui appartenoient ausdits Loaysel et sa femme tant en meuble que en heritage noble ou partable quelque part que lesdits biens fussent situés, en Bretagne ou ès Marches dudit Pays et en l’Eveché de Nantes à cause de la succession dudit feu Jean du Chaffault, à la reserve de ce qui pourroit appartenir à ladite Françoise au lieu, terre et seigneurie de la Marzelle avec ses appartenances et dependances au Pays de Poitou, et en la succession future de Damoiselle Agnès de St-Marczault leur mere, soit en Bretagne, Poitou ou ailleurs, desquels droits lesdits François Loaysel et sa femme etoient certains ainsi que de ce qu’il pouvoit leur en appartenir; s’obligent de payer ausdits François Loaysel et sa femme, savoir la somme de 55 lt de rente monnoye de Bretagne dont ledit de Lespinay feroit l’assiepte à ses dépens en fié noble et ès terres et seigneuries d’Auvers [corrigé en Anvers] ou Lanvaulx de prochain en prochain situées dans le Comté de Nantes, de leur payer aussi la somme de 80 lt tournois, et en outre de donner en leur acquit la somme de 300 lt tournois audit Guillaume Loaysel qui avoit avancé ladite somme audit Loaysel pour les habits nuptiaux deladite Françoise du Chaffault sa femme, à la charge aussi de faire l’acquit de toutes les dettes mobilières et heritelles de ladite succession dudit feu Jean du Chaffault et en acquitter lesdits Loaysel et sadite femme de ce qu’ils en pourroient etre tenus à la reserve des rentes hereditelles dües aux seigneurs sur ledit lieu de la Marzelle et ses appartenances dont chacun porteroit par autant qu’il y prendroit. Et par le moyen de ce que dessus lesdits François Loaysel [corrigé en Loysel] et sa femme subrogent lesdits de Lespinay et sa femme en tous les droits, actions, propriétés et interests, heritages des choses ... qui leur appartenoient en la succession dudit feu Jean du Chaffault, voulant que lesdits de Lespinay et sa femme pussent esliger, avoir et recouvrer à eux tous les biens heritels et mobiliers de ladite succession et ce que les seigneurs de Gyé, de Penhouet, de Brout, et de Plusqualet pourroient devoir à cause dudit feu Jean du Chaffault et ses predecesseurs tant pour le parfournissement des mariages qui avoient été faits avec les seigneurs du Chaffault que à cause de la terre et seigneurie de Bedec et aussi de la succession de feüe dame Katherine du Chastelier par aucun temps femme du seigneur de la Hunaudaye et après femme de Missire Charles de Rohan, sans que ledit François Loaysel et sa femme y pussent pretendre aucun droit soit heritel ou mobilier qu’ils cedent ausdits Guillaume de Lespinay et sa femme. Cet acte passé en la Ville de Nantes dans la maison de noble homme sage et pourveu Missire Cristophe Brecel seigneur de la Seilleraye Senechal de la Cour de Nantes, fut reçu par C. Brecel et Rouxeau notaires de ladite Cour, ... [illisible sur la photocopie] 1533. par ladite damoiselle Marie du Chaffault femme de Guillaume de Lespinay Ecuyer seigneur et dame du Chaffault, de Monceaux et de Malary, par acte passé au Bourg de Plessé et reçu par Yver et Pierre Gerbaud notaires de la Cour de Nantes. (B.N., Ms.Fr., Carrés de d’Hozier vol.382 [Fr.30611] f°.356-358).


[1]     Les généalogistes ont fait de celle-ci l’unique membre d’une famille de St-Marsault de Bretagne, parce qu’elle était en 1514 dame de Trellières et Pontcorhan en Plessé (biens venant des Lespinay, dont Guillaume fait aveu à Anne de Rohan en 1526). Ce mythe a été repris par les d’Hozier, juges d’armes de France, qui lui ont attribué un blason fantaisiste (de gueules à 4 M d’or couronnés de même). En fait, elle fait partie de la famille Green de St-Marsault ; ses frères sont connus, en particulier Samson qui l’assiste en 1514 dans ses transactions matrimoniales, comme représentant de l’aîné.

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