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19 juin 2008 4 19 /06 /juin /2008 21:12

(précédent : travaux de Ph. Hamon)


A propos des « malversations » de Jean de Lespinay (3)

trésorier général de Bretagne 1489-1524


3) Dominique Le Page, Finances et politique en Bretagne au début des temps modernes, 1491-1547. Paris: Comité pour l'histoire économique et financière de la France, 1997, 748p. dont catalogue prosopographique. (118 références en index + 54)

p. 5 : “ Deux actes manifestent la prise de pouvoir de Charles VIII sur le plan financier : le premier est la nomination, le 20 avril 1491, d'un trésorier et receveur général, en la personne de Thomas Bohier, qui doit drainer au profit du roi les revenus du duché et concurrencer Jean de Lespinay, trésorier d'Anne de Bretagne. Deuxième acte : l'institution le 23 avril 1491 de Jean François de Cardonne comme général des finances. ” [le mariage d'Anne de Bretagne et de Charles VIII n'aura lieu que le 6 décembre 1491]

p. 28 : “ Malgré le nombre réduit d'actes, on voit apparaître quelques conseillers privilégiés : Guillaume Guéguen jusqu'à son décès en 1506, le maître d'hôtel Régnaud de Brignac, Cardonne et Lespinay, le chancelier Philippe de Montauban (116). ”

[Note 116 : Noms auxquels on peut rajouter le prince d'Orange jusqu'à sa mort en 1502 et les bénéficiaires des faveurs de la duchesse comme Jean Gibon ou Olivier de Lanvaux, tous deux maîtres à la Chambre des comptes.]

p. 32 : [pouvoirs du trésorier] “Barraud est demeuré en charge jusqu'au décès de Charles VIII et, bien qu'il ait été candidat à sa propre succession, Anne de Bretagne ne lui a pas accordé sa confiance. Il a été remplacé par Jean de Lespinay (145). Celui-ci a conservé cette responsabilité jusqu'à son décès en 1524. Avec lui, on renoue avec la Bretagne ducale puisqu'il avait déjà été trésorier et receveur général de 1488 à 1491 ; on renoue aussi avec un groupe de financiers issus de l'évêché de Nantes (146) qui avait connu une ascension importante à la fin du règne de François II. En lui confiant à nouveau la recette générale, Anne a voulu s'acquitter d'une dette à l'égard d'un serviteur à l'égard duquel elle était demeurée redevable d'une grosse somme (147) depuis  les années 1488-1491. Elle a voulu aussi récompenser un officier, qui après une période d'hésitation (148), avait su rester fidèle aux autorités ducales, au péril même de sa vie (149). Elle a voulu surtout s'assurer que les deniers du duché de Bretagne seraient perçus par une personne fiable en toutes circonstances. Cette attitude contraste avec celle qu'elle a observée à l'égard de l'office de général, ce qui amène à s'interroger sur le rôle du trésorier dans le nouveau schéma de l'administration financière mis en place à partir de 1492.

 (…) La séparation entre ordonnancement des finances et manipulation des deniers est venue le réduire au rôle de comptable chargé de centraliser une partie des fonds et d'effectuer les paiements en fonction des commandements du général. L'intérêt accordé tant par Charles VIII que par Anne de Bretagne à cet office (150) dément pourtant cette approche réductrice. (…)

L'importance de l'office découle ensuite du fait que le trésorier partage avec le général la responsabilité du personnel financier. (…) De ce fait, il a gardé d'importantes prérogatives en matière de nomination.”

 

[Note 145 : Celui-ci est entré en activité fin mars, début avril 1498, ALA B 4297 f° 543.

Note 146 : Plus précisément de la région de Plessé. Les Lespinay avaient fait leurs premières armes en gérant le domaine du Gâvre, cf. notice n°9.

Note 147 : Il réclamait 68 000 l. en 1498, ALA E 209/24 f° 5.

Note 148 : Il avait pendant un moment perçu le fouage pour le vicomte de Rohan, J. Kerhervé, Cat., op. cit., t.I, p.54.

Note 149 : Notamment en décembre 1488 à Redon lorsque la ville fut assiégée par le maréchal de Rieux, cf. Bertrand d'Argentré, L'histoire de Bretaigne, des Roys, Ducs, Comtes et Princes d'icelles (…), Rennes, 1613, p.1118.

Note 150 : Cela explique aussi les convoitises que cet office suscite au sein des milieux financiers. Malgré les risques que cela comportait, Jean de Lespinay n'a pas hésité à reprendre du service après des années passées dans la “quiétude” de la Chambre des comptes.]

p. 47 : [fonctions du trésorier général]

“Comme dans les autres provinces, les réformes se mettent en place sans que les hommes changent. (…) La seule modification intervient à la trésorerie générale : elle est due au décès de Jean de Lespinay au mois de juillet 1524. Mais il n'y a pas là non plus de véritable rupture. Son successeur, Jean Parajau, est en tout point son digne héritier. Comme lui, il est originaire de Plessé dans l'évêché de Nantes, comme lui il appartient à une famille qui s'est lancée dans la carrière financière sous le règne de François II. Les Lespinay et les Parajau ont, dès cette époque, tissé de multiples liens d'affaires, marqués par un commun intérêt pour la recette du Gâvre et par l'association dans la gestion de nombreuses fermes (16).”

 

[Note 16 : Le père de Jean Parajau prit notamment la ferme des ports et havres d'entre Couesnon et Arguenon en 1487 en association avec Jean de Lespinay le jeune, futur trésorier général, J. Kerhervé, Cat., t.I, notice 16.]

“Elle [la création de la commission Minut de contrôle des comptes] est aussi la conséquence fortuite d'un rapport qui a été adressé aux autorités royales pour dénoncer les pratiques financières en Bretagne, rapport qui a été rédigé par Pierre de Bidoux, sr de Lartigue, et par Pierre Cosnoal, un receveur breton. Ce rapport n'a pas été conservé mais son existence est certaines : la commission Minut l'a utilisé comme base pour ses propres investigations, comme l'atteste cet extrait des livres de la Chambre des comptes lors de la première intervention des commissaires à la Chambre le 16 juillet 1526 :

Coznoual certifie qu'il n'a envoyé articles ni contre la Chambre des comptes ni contre le tresorier general, ce que mesdits sgrs ont faict mectre en leur proces-verbal (…).

Suite à ces révélations et à sa propre enquête, la commission Minut a rédigé un rapport à l'intention des autorités royales où sont mises en lumière les malversations des grands officiers de finances bretons.”

p.181 : [pensions] “(…) de hauts officiers de l'administration ducale comme l'ancien trésorier et receveur général Jean de Lespinay - gratifié de 120 l. de pension - (…)”

p.190 : “La nature des remboursements a également varié, rendant là encore impossible une évaluation précise : (…) ; pour les financiers, l'indemnisation a pu se faire en leur octroyant une responsabilité (comme dans le cas de Jean de Lespinay) ; (…).”

p.209 : “Il [Charles VIII] a même offert une compensation à Jean de Lespinay, écarté de la trésorerie générale en le nommant maître des comptes (69).”

[Note 69 : Fourmont [Histoire de la Chambre des comptes] indique que son fils Guillaume était lui aussi membre de la Chambre en 1492, mais nous n'en avons pas trouvé de traces pour notre part.]

p.212 : “L'influence du clan Lespinay-Parajau est perceptible puisque quatre personnes peuvent y tre rattachées, dont trois parmi les secrétaires : en la personne tout d'abord de Jacques Hubert et de Jean de La Rivière, détenant tous les deux l'office stratégique de greffier. Ils ont fait leur entrée à la Chambre en cette année 1524, en bénéficiant pour le premier de la résignation de Jean Parajau (100) et pour le second de celle de Guillaume de Lespinay (101). On peut adjoindre à cette mouvance au moins deux autres hommes : Jean Coué, sr du Brossay (102), et Charles Jouhan, huissier (103).”

[Note 100 : Après sa promotion à la trésorerie générale.

Note 101 : A identifier selon toute vraisemblance avec le petit-fils du trésorier qui renonce à son office, et ce n'est sans doute pas une coïncidence, alors que les poursuites ont commencé contre son grand-père.

Note 102 : Il était l'époux de Jeanne Robelot, soeur de Bertranne Robelot, femme du trésorier Lespinay, BN CAR 382.

Note 103 : Il fut commis par Jean de Lespinay pour faire la perception du fouage de l'évêché de Léon après le décès de Jean Carré.]

p.221 : “Dans cette stratégie [de népotisme ou pouvoir de nomination], la conquête d'un emploi important “pouvait permettre à tout un groupe de mettre la main sur l'ensemble d'un service de finances" (168). Trois cas peuvent être observés en Bretagne : celui des grandes familles tourangelles tout d'abord, essentiellement sous le règne de Charles VIII, celui de Cardonne-Tissart ensuite, celui des Bretons Lespinay et Parajau enfin. On peut dans chacun des cas parler de réseau d'influence (169) dans la mesure où chacune de ces familles a réussi à placer plusieurs de ses membres dans différentes charges stratégiques du duché, grandes charges, recettes particulières ou offices de la Chambre des comptes.”

[Note 168 : Chevalier, op. cit., p.475.

Note 169 : “Nous sommes conscient, surtout dans le cas de Tissart, Lespinay et Parajau, que ce terme est un peu exagéré mais nous l'employons tout de même faute d'avoir trouvé une expression plus appropriée. Il veut montrer que jusqu'à la fin des années 1520, les grands officiers ont profité des capitaux dont ils disposaient, de leur influence aussi pour placer un certain nombre de leurs proches dans l'administration financière bretonne.”]

p.223 : “Le troisième réseau est celui de Jean de Lespinay et de Jean Parajau. Il plongeait ses racines dans la Bretagne ducale d'avant 1491 et avait pour référence géographique le berceau de ces deux familles dans la région de Plessé et du Gâvre (183). L'influence de Lespinay fut certainement la plus importante. Il administra personnellement des recettes soit temporairement, comme la recette ordinaire de Nantes, soit plus longuement comme celle des devoirs de billots et appétissements de 1500 à au moins 1515 (184). Parallèlement, il chercha à contrôler un certain nombre de charges en y plaçant des hommes à lui : ainsi pour la recette ordinaire de Nantes qu'il confia à Pierre Avignon après la mort de Clément Collet puis à son propre fils Guillaume, ainsi pour la recette du Gâvre où il commit Jean de La Rivière, le 21 juillet 1503. Il accorda une attention particulière à la recette des fouages de Dol qu'il contrôla au moins jusqu'en 1519 d'abord par son clerc Jean-Baptiste de Servy puis par le biais de Jean Paubert et de François Bonnet. Son influence s'étendait aussi aux milieux rennais - il avait commis Michel Thierry à la recette des fouages de cet évêché en septembre 1500 (185) - et à la recette des fouages de Léon où Charles Jouhan fut commis par lui pour faire la recette après la mort de Jean Carré en 1518 (186). Cette influence dans le monde des receveurs (pour ne rien dire sur le monde des fermes où là aussi les solidarités du clan devaient jouer) était complétée par la détention de charges à la Chambre des comptes. Depuis 1492, la famille Lespinay était représentée dans cette institution : par le trésorier lui-même jusqu'en 1498, puis par son fils Jean - secrétaire jusqu'en 1515 puis maître après la résignation de Regnaud de Brignac - et enfin par son petit-fils jusqu'en 1524. La présentation du personnel de la Chambre nous a montré par ailleurs qu'à cette date plusieurs autres de ses membres pouvaient être considérés comme les alliés de sa famille (187).”

 

[Note 183 : Lespinay et Parajau étaient tous les deux originaires de Plessé, leurs deux familles étaient liées par de multiples activités menées dès avant 1491, cf. notices n°9 et 11.

Note 184 : ALA B 4297 f° 542 et f° 544. Il fit lui-même la perception des fruits de plusieurs seigneuries saisies sur ordre du roi ou placées sous l'autorité judiciaire pendant des procès : il fut notamment, à la suite de son fils Guillaume, séquestrateur des terres d'Issé et de Rieux pendant le procès entre Françoise de Rieux et son fils Jean de Laval d'une part, et Jean de Rieux d'autre part - ALA B 19 f° 172 ; on le trouve aussi mentionné comme séquestrateur des terres de Derval, Guéméné et Beauregard pendant le procès entre le sr de Rieux, garde naturel de sa fille, et la vicomtesse de la Bellière, ALA B 17 f° 171.

Note 185 : ALA B 4296 f° 45. Il était par ailleurs le parrain de la fille de Clément Dautie (cf. notice n° 337), commis à recevoir le fouage dans ce même évêché sous Daville et Champion en septembre 1501, ALA B 4296 f° 45.

Note 186 : Il s'imposa ensuite comme receveur.

Note 187 : Cf. supra p. 212.

 

       Parajau hérita de ce réseau et son institution à la trésorerie générale se plaça dans la continuité de l'action de Lespinay. On dispose cependant en ce qui le concerne d'informations plus précises qui viennent des poursuites menées à son encontre à la fin des années 1520. (...) il produisit une série de personnages qui vinrent personnellement à la Chambre se porter caution pour lui.

       Ce groupe était composé de quinze personnes (...). Deux étaient dans ce cas [membres de la Chambre] (mais ils avaient auparavant exercé des activités financières) : il s'agit de Jean Coué, sr du Brossay, secrétaire, et de Jean de La Rivière, secrétaire et greffier, ancien receveur ordinaire du Gâvre. Les autres personnages se rattachaient dans deux cas soit à la famille de Lespinay (193), soit à celle de Parajau (194). Les liens de parenté ne se limitaient d'ailleurs pas à ces deux personnes puisque parmi les financiers, deux au moins avaient des liens avec Jean de Lespinay - c'était le cas de Jean Coué (195) - ou avec Jean Parajau - c'était le cas de Jean du Fresne (196). (...)

       Le réseau Lespinay pas plus que celui de Parajau n'ont pu contrôler toutes les charges financières du duché. Les deux hommes ont dû compter, notamment à partir de 1516, avec un général, en l'occurrence Philibert Tissart, plus soucieux de placer les siens que ne l'avait été Cardonne et qui bénéficiait de l'appui du pouvoir central, appui qui fit défaut à LespinayLespinay et Parajau semblent avoir tous deux contrôlé la recette des fouages de Dol (...) ; l'influence des Tissart s'est fait sentir, en dehors de la trésorerie des guerres, dans la recette des fouages de Cornouailles (...).” après la mort d'Anne de Bretagne en 1514. Jusqu'en 1524-1528, on constate ainsi, grâce à certains indices, qu'un partage d'influence s'est opéré entre le trésorier et le général, chacun imposant sa marque dans des charges spécifiques :

[Note 193 : Abel Rouaud, sr de Tréguer : il était l'époux de Jeanne, la fille du trésorier Lespinay.

Note 194 : Comme Jean Parajau, sr de Logoden/La Godolin.

Note 195 : Il était marié, comme l'ancien trésorier, avec une Robelot.

Note 196 : Il était marié avec une certaine Marie Parajau. Seules deux personnes n'ont pu être identifiées : il s'agit de Guillaume Lambart, sr de Leurnas, et de François de La Grée.

p. 231 : “(...) lors des opérations de contrôle lancées contre les officiers dans la deuxième moitié des années 1520, certains d'entre eux ont recherché la protection de Grands pour échapper aux poursuites. L'exemple le plus connu est fourni par Guillaume de Lespinay, le petit-fils du trésorier général, qui, malgré le passif de plus de 80 000 l. que son grand-père avait laissé, n'a plus été sérieusement inquiété à partir des années 1535-36. Il a pu bénéficier, sans qu'on en ait la preuve, de l'appui de Jean de Châteaubriant, gouverneur de Bretagne, dont il était, en tant que sr de Monceaux, le vassal. Mais ce qui semble l'avoir épargné (246), c'est la protection d'Anne de Rohan. Lors de l'une de ses comparutions à la Chambre, le 16 mai 1536, alors qu'on lui demandait de remettre des lettres de son grand-père, il parvint à obtenir un délai en arguant du fait qu'il était au service de la dame de Rohan et en présentant des lettres de cette dernière “par lesquelles elle prie les gens desdits comptes de expedier incontinant ledit de Lespinay et de le luy envoyer" (247). L'accumulation des problèmes l'a incité à se tourner vers les suzerains de la famille Lespinay (248) et à rechercher dans cette position d'abri une échappatoire aux poursuites.”

 

[Note 246 : En dehors du fait qu'il a pris la qualité d'héritier sous bénéfice d'inventaire, cf. infra p.346.

Note 247 : ALA B 571 f° 77.

Note 248 : Jean de Lespinay, du fait de ces domaines de Plessé, était arrière-vassal de la seigneurie de Blain, ce qui l'avait fait hésiter pendant les guerres de Bretagne entre sa fidélité aux Rohan et celle due à François II ; J. Kerhervé, Cat., op. cit., notice 55, p.52-54.

p.234 : “Au sommet de la hiérarchie financière bretonne, Jean de Lespinay disposait d'une aisance certaine (263). En 1529, la valeur de ses biens s'établissait comme suit : les terres de Lespinay et de Trémar situées dans les paroisses de Plessé et de Guenrouet, qui constituaient le coeur de son patrimoine, rapportaient 367 livres 7 s. 5 d. et 1/3 de denier de rente, somme à laquelle il fallait rajouter 15 527 livres correspondant à la valeur des bâtiments et 955 l. 18 s. 8 d. pour les métairies et les bois de Lespinay et de Trémar (264) ainsi que d'autres biens composés de propriétés (Lanvaux et Auvers) dans la paroisse de Fougeray (265) et une maison à Nantes, dite du Beausoleil (266).”

[Note 263 : Sans commune mesure toutefois avec celle des grands financiers de l'époque.

Note 264 : ALA B 51 f° 375-376.

Note 265 : Elles furent vendues pour la somme de 1000 l. à la vicomtesse de Rohan en décembre 1527, ALA B 51 f° 329.

Note 266 : Voir la notice n°9 pour la description précise de sa fortune. (...)] [Informations erronées]

p.247 : “Les Lespinay se perpétuent, pour leur part [à la Chambre des comptes], sur trois générations. Jean, maître des comptes de 1492 à 1498, est remplacé par son fils prénommé lui aussi Jean, qui siège d'abord comme secrétaire jusqu'en 1515 puis comme maître de cette date à 1517. Son fils Guillaume prend le relais jusqu'en 1524. La décision de ce dernier de résigner sa charge, alors que les menaces s'accumulent sur la famille, interrompt la succession.”

p.284 : [en 1491] “Il y a d'abord ceux qui parviennent à garder un office comme Jean de Lespinay à la Chambre des comptes ou Gilles Thomas à la garde des chartes. Ces offices sont le plus souvent donnés à titre de compensation ou à titre honorifique. Ils n'amènent plus leur titulaire à assumer des responsabilités de premier plan. (…)

[1498 : une chance inespérée] Il n'est pas exagéré de dire que la restauration des pouvoirs d'Anne constitue pour les financiers bretons la divine surprise. La volonté de la duchesse de s'assurer le contrôle des finances et de récompenser les services passés permet à des officiers de rependre des responsabilités. C'est le cas des plus puissants comme Jean de Lespinay, rétabli à la trésorerie générale, (…).”

p.301 : “On ne sait par contre si les sommes demandées par les autres grands officiers - notamment Lespinay (5) - étaient également le produit d'estimations faites par elle [la commission Le Roux].”

 [Note 5 : Il demandait à être remboursé de plus de 60 000 l. en 1498.]

p.304 : “(…) en confiant des recettes à des officiers à l'égard desquels elle avait reconnu des dettes pour les services rendus avant 1491, Anne, de ce fait, s'est privée des moyens d'un contrôle rigoureux. Cela est vérifié dans le cas de Jean de Lespinay, trésorier général qui réclamait la somme de 68 000 l. (21) en 1498 et dont il semble bien qu'il n'ait conclu aucun compte de sa charge sous le règne d'Anne.”

 [Note 21 : ALA E 209/24 f° 5.]

p.306 : “C'est en fait la commission [de contrôle] de 1523 qui semble avoir eu le plus de conséquences. On peut penser que c'est elle, ou du moins le climat de contrôle dont elle était le révélateur, qui a amené le conseil de Bretagne à poser les scellés sur les biens de Lespinay aussitôt après sa mort fin juillet 1524. C'est de toute façon dans le prolongement de son action que, le 17 août 1524, pouvoir a été donné à une commission (33) pour “se transporter en Bretagne  et illec s'informer et faire venir à lumière tous les deniers bons et revenant bons audit sr, faire rendre compte audit sr de Lespinay. (34)" La décision royale n'a pas été immédiatement appliquée, et le 11 novembre 1524, a été créée une seconde commission (35) pour obliger Guillaume de Lespinay, l'héritier du trésorier, à rendre compte. (...)”

 

[Note 33 : Elle était composée de Guillaume Luillier, maître des requêtes de l'hôtel du roi et conseiller en Parlement de Bretagne, de Marc Le Groing, sr de la Mothe-au-Groing et gentil­homme de la Chambre du roi et de Pierre de Broons, vice-amiral de Bretagne.

Note 34 : ALA B 12 838 f° 33. (...)

Note 35 : Sa composition est quasiment la même que la première à l'exception de Luillier qui est mort dans l'intervalle. On y trouve le vicomte de la Mothe-au-Groing, le vice-chancelier de Bretagne, Jean Briçonnet, Guillaume Barthélémy, contrôleur général, le vice-amiral de Bretagne Pierre de Bidoux, Jean Vaillant, bailli de Dunois et conseiller au grand conseil, et Charles Luillier.

Note 38 : Le déclenchement de poursuites contre les héritiers de Jean de Lespinay semble plus dû à une coïncidence - sa mort survient dans un climat de suspicion à l'égard des officiers - qu'à une volonté délibérée de faire la lumière sur l'ensemble de la gestion des finances.

Note 39 : Ce que, dans le cas Lespinay, elles n'arrivent que difficilement à faire et, jusqu'en 1527, Guillaume de Lespinay en jouant de la rivalité entre conseil, commission et Chambre, en faisant appel en Parlement, en bénéficiant aussi de complaisance de la part des membres des institutions bretonnes, parvient à gagner du temps.]

p.307 : “(…) en mettant à [au] jour les malversations des officiers bretons, elle a aggravé la prévention ressentie par le roi à l'égard du haut personnel financier. C'est donc elle [la commission Minut] qui l'a incité à créer, le 24 novembre 1526, une commission de six membres - connue sous le nom de la commission de la Tour Carrée - chargée de mener le procès des grands officiers. (…) Parmi eux [les commissaires], on retrouve d'abord Jacques Minut dont deux interventions sont attestées à la Chambre des comptes de Nantes après 1527 : la première, en date du 20 novembre 1531, pour demander que les comptes de Jean de Lespinay soient conclu avant la fête de Noël ; la seconde, le dernier jour de février 1532, pour exiger que Guillaume de Lespinay remette les récépissés de son aïeul “affin de faire esliger les sommes contenues esditz recepissez et cedulles pour tourner en l'acquit dudit Lespinay de ce qu'il doibt ou pourra devoir au roy (47)". Le fait que, dans les deux cas, Minut est intervenu dans le cadre de l'affaire Lespinay laisse à penser qu'il a joué un rôle de coordination entre les différents organes chargés du contrôle à Paris et en Bretagne (…).”

 

[Note 47 : ALA B 569 f° 154.]

p.316 : “(…) il est donc clair que la tâche première des commissions est de fournir au roi de l'argent frais et rien ne le montre mieux finalement que l'ordre donné par le roi en juin 1527 de faire transférer à Paris, par Charles Bricet, sr de La Mothe, une partie des acquits de Lespinay que son petit-fils, de façon excessive sans doute, estime “à un million d'or”, le souci de la monarchie étant par cette mainmise, non pas tant d'obtenir un éclarcissement complet de la comptabilité de l'ancien trésorier général - ce qui était jugé probablement impossible - que de sauver ce qui pouvait encore l'être. (…)

Dans l'action des commissions, il y a en effet deux sous-entendus : le premier est que les officiers de finances sont fondamentalement corrompus et qu'une action rapide contre eux est nécessaire ; le second est que si les receveurs commettent des abus c'est que les instances traditionnelles du contrôle ne remplissent pas leur mission ou, pire, laissent faire, ce qui place la Chambre des comptes sur la sellette et en fait l'une des cibles des commissaires (109).”

[Note 109 : Cette mise en accusation apparaît dans les propos de Louis du Perreau, qui affirme, pour convaincre la Chambre d'entériner le don qui lui a été fait des biens Lespinay, que “le roy luy avait donné charge de dire à Messieurs des comptes qu'il trouvoit estrange que l'on n'avoit fait compter le feu tresorier en son vivant et que en recompense ilz s'acquitent à faire compter l'heritier dudit feu tresorier”, 16 février 1528, ALA B 568 f° 69-70.]

p.319 : [problème de compétence pour juger des officiers] Note 121 : Dans le cas de l'affaire Lespinay, l'héritier du trésorier se trouve confronté aux sentences quelque peu contradictoires des commissaires menés par Jean Briçonnet, des gens des comptes voire même du conseil de Bretagne.

 

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